Ils ont fait la traversée du GR 20 en 5 jours !
Le 04 Mai dernier Guillaume et Thibault, tous les deux licenciés FSPN, se lançaient le défi de traverser le GR en 5 jours !
Nous avons aujourd’hui le plaisir de vous partager le récit de leur aventure !
« 04 mai 2025, nous voilà partis direction la Corse pour mettre en avant le sport dans la Police Nationale en effectuant la traversée du GR 20 en 5 jours en autonomie complète. Nous savons que le défi est grand mais qu’il apportera une grande cohésion dans notre binôme lors des moments difficiles que nous rencontrerons dus à la longueur du parcours, à la difficulté du dénivelé, à la technicité du terrain mais aussi à la météo annoncée plutôt défavorable à cette période.
Le défi est grand à notre niveau mais il représente ce qui nous paraît tout aussi grand dans notre métier, à savoir l’entretien d’une bonne condition physique opérationnelle et l’entraide dans les moments difficiles qu’un policier peut rencontrer lors des longues années de sa carrière.
5 heures 40 lundi matin, le réveil sonne pour nous rappeler qu’une des longues journées de la semaine nous attend.
Un petit-déjeuner rapide, une tenue sportive enfilée, notre sac de 13 kg sur le dos et nous voilà en route vers le départ de ce fameux et mythique GR 20 que nous allons essayer de traverser du Nord au Sud, de Calenzana à Conca en 5 jours pour une distance de 180 kms et 13 000 m de dénivelé positif et tout autant de dénivelé négatif.
Cette traversée se fait logiquement en 15 jours, découpée par 15 refuges, mais nous devrons pour réussir ce défi tripler les étapes et aller chercher 3 refuges par jour. Loin d’être irréalisable… mais la difficulté sera probablement la météo et l’état du parcours, parfois glissant mais aussi couvert de neige à certains endroits, peu nous l’espérons.
Le panneau implanté au départ du chemin de ce GR 20 annonce la couleur « fra li monti » ( dans les montagnes ) Calenzana – Conca, et les montagnes nous allons y passer quelques jours.
Cette première étape est longue et dure sur le papier nous le savons, mais nous l’attaquons de la meilleure des façons en reliant le premier refuge en temps voulu, 11 kms et 1265 m de dénivelé positif avalés en moins de 3 heures 30, ce que nous avions prévu. Il restera deux refuges à passer pour se reposer.
Après une petite pause chaude, qui sera le plus souvent possible notre rituel sur les refuges, nous repartons pour rallier le deuxième refuge mais avec plus de difficulté cette fois-ci, en raison d’un terrain glissant et de la rencontre, déjà, avec quelques névés de neige qui ralentissent notre foulée.
Notre temps prévisionnel n’est déjà plus respecté.
Le troisième et dernier refuge de la journée sera rallié avec beaucoup de difficulté par la pluie tombante et les pierres extrêmement glissantes sur cette partie, l’un de nos bâtons ne résistera pas à cette épreuve et il faudra finir sans, rendant l’effort encore plus difficile. La station d’Asco nous accueille enfin, mais à la tombée de la nuit.
Bilan de cette première journée mitigé… nous pensions effectuer cette étape en 10 heures, mais il nous aura fallu environ 14 heures pour la terminer, nous savions qu’elle serait dure mais pas autant que ça, le moral en prend un coup, mais on se dit que les autres jours seront plus agréables.
Une nuit bien méritée au refuge pour recharger les batteries et nous repartirons à bloc pour la deuxième journée de cette traversée avec heureusement une nouvelle paire de bâtons qu’un gîte proposait à la vente.
Chaque soir nous prenons le temps d’organiser nos affaires du lendemain pour gagner un peu de temps au réveil et se préoccuper de la journée qui suivra, la distance, le profil et la météo.
Bis répétita, 5 heures 40 mardi matin, à nouveau cette belle sonnerie du réveil qui nous sort de notre sommeil profond pour nous rappeler qu’il faut partir et que notre corps a souffert la veille.
Début de l’étape longue, très longue et difficile par la montée du col du Monte Cinto, plus haut col de la Corse qui culmine à 2700 m d’altitude.
Un sacré passage que nous appréhendons depuis plusieurs heures par le risque de neige important qui pourrait empêcher notre avancée sur le GR 20 et nous contraindre à trouver une solution bis pour la contourner.
Nous croisons les doigts et attaquons cette belle montée avec un semblant de ciel dégagé, une pointe de soleil qui réchauffe le début de notre randonnée et notre moral.
Après environ 2 heures 30 de montée difficile à travers les nombreux cailloux glissants qui habillent ce GR 20, nous arrivons devant un mur blanc qui nous oblige à chausser nos crampons à neige pour continuer ce col. Il paraît court visuellement, mais il ne le sera pas, les traces blanches et rouges du GR n’étant plus visibles et le chemin étant recouvert de cette neige, nous comprenons que cette dernière partie de col sera difficile mentalement et dirigée par le GPS de nos montres. Et c’est le cas, après quelques mètres effectués crampons aux pieds, nous comprenons que la fin de ce passage va être compliquée et longue, parfois risquée. Le moral prend un grand coup, nos objectifs ne seront probablement pas remplis par le temps passé entre ces deux refuges, le dernier kilomètre nous prend deux heures pour le réaliser et laisse des traces dures sur le corps, les jambes sont ensanglantées, le corps à froid par un vent glacial et la fatigue se fait déjà ressentir. Nous doutons de pouvoir finir cette étape et nous ne voulons surtout pas prendre de risque pour finir coûte que coûte. Nous essayons de nous remonter le moral l’un envers l’autre mais c’est dur. 6 heures rien que pour arriver en haut du col du Monte Cinto et il reste encore une belle descente enneigée puis un parcours technique caillouteux.
Nous rencontrons deux personnes qui ont osé effectuer cette étape aussi, connaissant les difficultés climatiques et nous décidons de finir le chemin avec, en n’ayant d’autre choix que de réduire cette journée en distances, kilomètres qu’il faudra malgré tout rattraper plus tard pour ne pas louper l’avion LOL.
Ce binôme est plus aguerri que nous dans les portions techniques et nous en profitons, nous ne les lâcherons pas tout au long de notre traversée sur certaines parties ou le soir aux refuges.
Nous les remercierons chaque fois pour l’aide apportée et le soutien mental qui nous aura parfois permis d’avancer plus aisément. Nous les surnommerons « les machines ».
Nous arrivons tardivement sur le gîte, vers 21 heures 30, à la lampe frontale. Les visages sont fermés pour cette fin de journée, et mauvaise nouvelle, l’étape du lendemain est peut-être compromise par une météo encore capricieuse, un refuge semble très difficile à rejoindre par une brèche trop enneigée, nous décidons d’y réfléchir la nuit pour savoir ce que nous ferons au petit matin avec notre binôme de la fin de journée. Pour nous la réflexion sera de courte durée, le repas lyophilisé du soir avalé, nous décidons d’annuler cette future étape, trop de risque pris à notre sens aujourd’hui et nous n’avons pas envie d’y laisser notre peau, nos sens de policiers et de pères refont surface et nous murmurent d’être raisonnable. Nous apprendrons aussi qu’une personne est activement recherchée dans cette zone depuis 6 jours et que les secours sont déjà bien occupés à ce sujet. Le risque est trop présent.
Ce matin du troisième jour, le réveil sonne à nouveau mais un peu plus tard, car l’étape est volontairement modifiée, une partie de marche d’environ 10 kilomètres au programme pour regagner une route centrale vers la grande ville la plus proche, un peu de « stop » si nous avons de la chance pour nous faire déposer à la gare puis un train qui nous déposera au refuge suivant nous évitant cette partie trop dangereuse à notre goût. Le but est d’aller chercher dans nos réserves, puiser dans notre mental et s’entraider pour réussir ce défi et ne surtout pas prendre des risques inutiles, quotidien de notre métier. Nous avons appris également que le binôme de sportif avec qui nous avions passé une partie de l’étape la veille a pris la même décision et que nous les rencontrerons sûrement au prochain refuge.
L’enchaînement des descentes fracasse nos articulations et l’orteil d’un d’entre nous qui lutte depuis la veille déjà. Son ongle est déjà partiellement décollé et bleu. Logiquement l’environnement de ces prochains jours devrait nous laisser un peu plus tranquilles.
Nos premiers kilomètres avalés jusqu’à la route centrale, nous trouvons par chance rapidement un véhicule qui accepte de nous déposer à la gare de la grande ville la plus proche. Il s’agit d’un couple d’Autrichiens à la retraite avec qui nous lions beaucoup d’amitié, coïncidence leur fils est policier en Autriche, un point commun hihihi.
Après une longue discussion de plusieurs heures, nous sommes déposés à la gare où nous prenons le train qui nous ralliera au refuge suivant de Vizzavona.
Dès notre arrivée à la gare de Vizzavona, nous décidons d’avancer notre chemin pour regagner le prochain refuge et prendre un peu d’avance que nous constatons perdre chaque jour par la difficulté du terrain à cause de la météo, il faut dire que notre binôme de machines a déjà pris le départ vers ce refuge donc nous devons les imiter.
Nous avions entendu parler de la salade de cailloux corse qui battît ce GR 20 mais nous n’imaginions pas ça à cette échelle, des cailloux, des cailloux et des cailloux.
Ça n’arrange pas notre avancée, le parcours et très technique, trop technique pour imaginer ne passer que 10 heures prévues sur nos journées. Il va falloir être fort pour accepter ces heures supplémentaires en fin de vacation.
Les articulations souffrent grandement par la répétition des chocs en descente, mais nous n’avons pas le choix, ce GR 20 n’est composé que de montées et de descentes de cette sorte.
Nous arrivons enfin après quelques heures au refuge suivant, celui de Capanelle qui nous offrira une bonne nuit de sommeil avec notre binôme de machines des jours précédents mais avant ça, surprise, au fin fond de cette chaîne montagnarde de la haute Corse, la diffusion de la demi-finale retour du PSG que nous n’aurions jamais pensé voir à cet endroit-là. Paris gagne, il est temps d’aller se reposer, car le GR 20 sera probablement aussi coriace que ces Anglais demain.
Jeudi matin, 5 heures 40, une fois de plus le réveil nous donne l’ordre de commencer cette journée qui nous a été annoncée plus clémente la veille (par un employé du gîte au sujet de la météo) mais tout aussi difficile sur le profil de l’étape.
Nous n’y croyons pas, car le Nord est connu pour être plus dur que le Sud et nous n’imaginons pas que le revêtement d’un parcours de 180 kilomètres peut être aussi dur du début à la fin.
Le Corse du Sud essaie probablement de défendre son terrain en nous le vendant aussi robuste que le Nord. Malheureusement il aura raison sur ce point et tort sur la météo qui ne nous fait aucun cadeau, pluie, grêle et vent encore pour ce quatrième jour. Après un léger lever de soleil au départ du gîte, bien agréable, la météo change et nous offre une pluie pendant des heures pour défiler les kilomètres d’une longue montée interminable mais qui nous réservera pire encore.
Quelques heures sont passées, une bonne partie de la matinée même, la pluie se calme et s’arrête. Nous sommes enfin arrivés en haut du plus haut sommet de l’étape du jour, le col de Verde.
Le brouillard, comme depuis le début de notre défi, nous empêche de profiter du spectacle fabuleux des paysages de la Corse, bien dommage nous aurions certainement trouvé un peu de réconfort en eux. En haut du col de Verde, nous pensons avoir avalé le plus dur passage de la journée mais la longue brèche de ce col va nous rappeler que la traversée de ce GR 20 ne sera pas terminée avant Conca semble-t-il. Nous laissons beaucoup de force sur ce passage entre la montée longue et difficile, la crête très technique et glissante et la descente qui nous réservera des surprises médicales avec un ongle d’orteil très abîmé pour l’un et un genou légèrement douloureux pour l’autre suite à une belle chute.
Peu de rencontres sur ce GR 20 à cette période, normal pour les locaux qui ne comprennent pas notre choix et ce défi intense en ce début du mois de mai, mais une particulière va marquer nos esprits, un binôme homme et chien qui se lance le même défi de cette traversée mais en 8 jours pour eux. Nous sommes très étonnés que le chien puisse franchir certains passages, mais après avoir
partagé quelques kilomètres avec eux, nous nous apercevrons que ce dernier est bien plus habile que nous et qu’il subira moins les larges contraintes climatiques et sportives.
Après une fin de descente très difficile et douloureuse, nous regagnons tardivement le prochain et dernier gîte de nuit que nous croiserons et qui nous réservera quelques surprises aussi.
Un bon repas servi immédiatement vu l’heure tardive de notre arrivée et nous visitons notre accueil de nuit. Nous ne cherchions aucun confort de vie en venant ici évidemment mais là nous faisons
face à un mode de vie propre au trek, aucune lumière disponible sur l’hébergement et les sanitaires, les douches sont à l’extérieur mais heureusement chaude, car nous sommes à 1600 m d’altitude et le vent est toujours présent. La nuit s’annonce fraîche et compliquée. On se motive, douche chaude rapide et direction le dodo.
Dernier réveil sur ce GR 20, identique aux précédents, 5 heures 40, pour un départ le plus rapidement possible. Finalement le sommeil était lourd, la nuit ne s’est pas si mal passée que ça, ouf, car même si cette étape est logiquement la plus simple et la plus agréable, nous doutons maintenant des surprises que nous aura réservé ce parcours annoncé parmi l’un des ultra-trails le plus dur au monde par des athlètes pro comme Francois D’HAENE ou Mathieu BLANCHARD.
C’est parti, la journée semble plus dégagée que les autres, le vent s’est très largement calmé et ça fait du bien. Nous apprécions ce moment enfin. Cette journée serait-elle la belle fin que nous attendions depuis notre départ.
Départ de l’étape le long d’un beau col que nous franchissons plus facilement que les autres en mettant du rythme histoire pour une fois de rallier l’arrivée en fin d’après-midi et non tard le soir. Au sommet de ce col nous profitons enfin d’une superbe vue sur une partie des aiguilles de Bavella, paysage splendide de roches pointues devant la mer. Ça vaut le coup nous en avons conscience et nous en profitons en marquant une belle pause ravitaillement et en passant quelques coups de téléphone à nos familles profitant d’un peu de réseau.
Il est temps de descendre, inquiétude par la connaissance de la technicité de ce passage par nos hôtes de la veille, mais il faut s’approcher le plus rapidement possible de l’arrivée finale si on veut s’accorder un bon apéro avec une petite bière PIETRA du coin. En effet la descente fait mal, elle fait beaucoup de dégât au corps, l’un aura son orteil définitivement décollé, l’autre une douleur plus présente à son genou probablement suite à la chute de la veille dans le col de Verde. En bas du col le genou ne veut plus se plier et décide de retarder voir de stopper cette aventure si proche du but. Il reste environ 20 kilomètres. Ça sera forcément interminable ou très douloureux et long pour nous deux. Nous résistons pour continuer.
Le GR 20 nous propose quelques variantes et celle que nous avons devant nous nous pose une longue interrogation, la variante alpine des aiguilles de Bavella. Plus courte logiquement en temps, elle nous dirige en bas des pieds des aiguilles plutôt que de les contourner. Que fait-on, nous savons que la descente sera exigeante et douloureuse. Nous ne tardons pas à nous lancer dans cette variante qui nous soulage au niveau des blessures lors de la montée mais qui nous détruit physiquement par son très fort pourcentage. On ne va pas se plaindre car nous étions plus venus chercher ce type d’effort que ce que nous avons rencontré jusqu’à présent.
Nous avons la chance d’arriver en haut de cette variante alpine quelques minutes avant le brouillard nous permettant de prendre quelques photos et nous attaquons la descente rapidement, car nous savons vu nos états qu’elle sera plus longue et plus difficile pour nous. C’est le cas nous mettrons avec difficulté le double de temps à descendre qu’à montée. Cette étape devait nous permettre de dérouler un peu par rapport aux autres mais malheureusement nos bobos freineront notre rythme de la même manière que les autres étapes. Après de longues heures interminables, nous apercevons sur la montre les derniers kilomètres de cette traversée puis les derniers mètres toujours aussi longs que les premiers.
20 heures 30 au lieu de 17 heures, nous arrivons enfin à Conca, sur ce fameux banc en bois où nous pouvons nous asseoir pour la traditionnelle photo méritée de la fin de ce GR 20, sur la pancarte est gravé « CONCA, arrivée du GR 20, vous voici au terme de vôtre odyssée, vous avez parcouru environ 180 Km. Bravo ! ». Pour nous le défi est réalisé, le calvaire est enfin fini, nous allons pouvoir nous poser un peu et rassurer nos familles et nos proches. Le plaisir est visible sur nos visages et notre accolade en dit long sur cette semaine que nous avons passée ensemble à braver les sommets mais surtout les multiples pierres, cailloux et rochers qui ont détruit nos corps et notre mental.
Nous regagnons enfin notre gîte final, celui qui nous proposera cette petite PIETRA Corse et un festin après ces 5 jours de galère et ces heures supplémentaires de fin de journées, du rabiot on dirait si on était au service.
Il paraîtrait que seulement 30 à 50 % des personnes terminent ce GR 20 en fonction de la météo.
Pour notre part, malgré une étape bousculée par les intempéries et la dangerosité du terrain, nous sommes assez fiers de ce que nous avons réalisé et d’avoir tenu le coup malgré les bobos et le moral parfois en baisse.
Nous n’oublierons jamais ce GR 20, les bons et les mauvais moments passés sur ces gros cailloux présents mètre après mètre. Nous ne savons pas si nous le conseillerons à d’autres personnes par peur de représailles une fois sur place MDR, mais en ce qui nous concerne nous savons que nous ne repartirons pas de si tôt dans cette traversée, en tout cas à cette période et dans les conditions dans lesquelles nous l’avons fait. Nous imaginions un défi largement à notre portée mais nous nous sommes rendus compte qu’il ne fallait jamais sous-estimer un tel objectif pour ne pas le subir autant. Nous aurons une fois de plus appris beaucoup de choses sur nous, sur notre corps mais aussi sur les avantages d’une belle entraide, d’un soutien hors norme et sur le but de ce défi à savoir : le sport et l’entretien d’une bonne condition physique est important, voire obligatoire au quotidien dans quelque situation que ce soit mais surtout l’aide d’un collègue, d’un ami qui peut nous faire franchir des limites incroyables.
Nous n’oublierons probablement jamais ces jours passés le long de ce GR 20 et ces durs mais bons moments en compagnie de notre ami, Thibault pour l’un, Guillaume pour l’autre, notre poulet respectif … A très vite pour de prochaines aventures !!! »